Elisabeth d'Autriche, Reine de Hongrie

 

       

 

La Hongrie.

Pays de son affection, patrie de ses songes, la Hongrie représente pour Elisabeth tout ce que n'est pas Vienne et la Hofburg. Elle est fière et rebelle... et elle cherche à s'esquiver du joug des Habsbourg. Il n'en faut pas plus pour attirer l'attention de celle qui bafoue ouvertement la Cour et ses courtisans, méprise leurs courbettes hypocrites. A noter que l'Archiduchesse Sophie a une aversion totale de la Hongrie et tout ce qui s'y rapporte. Chez les Magyars, on sait depuis longtemps  la haine de l'Impératrice pour le monde clos de l'aristocratie autrichienne et c'est en elle qu'ils ont placés leurs plus dignes espérances. Le voyage officiel de 1857, bien que terminé tragiquement par la mort de la petite Sophie, âgée de 2 ans, a fait germer l'amour dnas le coeur des Hongrois pour cette souveraine de contes de fée. Belle comme une fée, elle sera baptisée "Titania" , cette amazone monte ses chevaux avec une habilité surprenante, et de plus, elle parle leur langue avec une dextérité inouïe. Ils en ont donc fait leur ambassadrice.

"On est convaincu que dans son noble coeur brûle l'amour de la patrie, qu'elle a fait siennes non seulement la langue hongroise, mais la façon de penser hongroise..." 

Cet amour réciproque, la Hongrie la doit à deux êtres d'une importance capitale dans la vie d'Elisabeth : la "douce Ida", Ida de Ferenczy, sa lectrice et amie, et Guyla Andrassy, rebelle de 1848. C'est en janvier 1866 qu'Elisabeth rencontre pour la première fois le "beau pendu de 1848" et dès cette entrevue, on répand que la belle Impératrice flanche sous le charme du séduisant comte. S'engage dès lors une correspondance secrète entre "l'ami" et la "belle providence" par l'entremise d'Ida.  

L'aristocratie autrichienne et étrangère n'a jamais eu en haute estime les facultés intellectuelles d'Elisabeth. Ne dit-on pas que sa conversation est "moins brillante que sa figure" !  Il faut pourtant de croire qu'Elisabeth est dénuée de tout intérêt politique. Ses poèmes et lettres démontrent bien le contraire. Dès 1866, elle plaide la cause de la Hongrie auprès de François-Joseph qui prend certaines mesures pour alléger le régime autrichien en Hongrie. A force d'insistance, l'Empereur finit par rencontrer Déak puis Andrassy. Les pourparlers trainent en longueurs et Elisabeth perd patience. Finalement le couronnement est fixé au 8 juin 1867. Les Hongrois désirent que leur reine soit couronnée en même temps que leur nouveau souverain, contrairement à l'usage qui veut qu'elle le soit dans les jours qui suivent. Et c'est dans un faste éblouissant qu'à lieu le couronnement. Par la suite, Elisabeth fera de ce pays son lieu de résidence privilégié et délaissera pratiquemment la Hofburg, Schönbrunn et même la demeure familiale d'Ischl.

Le 22 avril 1868 naît Marie-Valérie, dont la naissance marque aussi la nouvelle harmonie entre les deux époux impériaux. L'enfant voit le jour en Hongrie et est jalousement élevée par Elisabeth qui veut à tout prix protéger sa petite fille de l'Archiduchesse Sophie. L'enfant est surnommée "la chérie", "l'Unique" et même "l'enfant hongrois de la reine". La rumeur veut d'ailleurs que le père en soit que Guyla Andrassy, présomption que l'avenir prouvera fausse.  Elisabeth, enfin apaisée, répond :

"Maintenant je sais quelle félicité apporte un enfant car j'ai eu le courage de l'aimer et de la garder près de moi."

   

Les années 1880 annonce le crépuscule de la vie d'Elisabeth. Sa première arme, sa beauté, la quitte doucement, malgré des galops effrénés, de ses terribles marches forcées, de ses voyages par tous les temps et de ses régimes draconiens. Elle refuse les photographies et les peintres de cour et se mure peu à peu dans une solitude écrasante. Après voir consacré plus de dix années à l'équitation, Elisabeth perd, tout intérêt pour ce sport. Elle s'en remet aux mains des masseurs et consacre des heures à l'escrime et à la marche. En Grèce, on la surnomme la "locomotive" tant son allure est vive. Les policiers chargés par François-Joseph de la protéger abandonnent, essoufflés ou sont semés par une impératrice bien peu coopérative.

C'est au cours de ces années qu'Elisabeth renoue, encouragée par Marie-Valérie, avec son ancienne passion pour la poésie. C'est une femme mature, meurtrie et malheureuse, insatisfaite et ironique qui marque les pages de ses carnets en suivant son "maître", Heinrich Heine. Elle écrit ses pensées, ses aspirations, ses railleries et ses prédictions pessimistes en contemplant sa magique Mer du Nord, l'horizon de Corfou, de sa villa de marbre blanc "l'Achilleion". Elle s'adresse même aux  "âmes du futur" tant elle ressent l'incompréhension de son époque pour une femme, certes exceptionnelle dans ses dons et qualité, mais combien excentrique et originale. Marie Festestics, sa dame d'honneur, la décrit ainsi :

"On trouve tout en elle mais comme dans un musée en désordre : de véritables trésors, qui ne sont pas mis en valeur. Et elle non plus ne sait qu'en faire." 

Au cours des années 1880, l'impératrice prend également en main la jeune amitié de son époux vieillissant pour une jolie actrice du Burgtheater de Vienne, Katharina Schratt. On a beaucoup écrit sur cette amitié perçue comme une véritable histoire d'amour. Elisabeth, à l'aube de ses 50 ans, était toujours aussi inconfortable à Vienne et dans les palais royaux. Même la construction de la villa Hermès, cadeau de l'Empereur François-Joseph à Sissi, ne parvenait pas à la faire rester dans la capitale. Comme le démontre nombre de ses poèmes, elle savait son époux malheureux et solitaire, car malgré les années, les séparations, les difficultés du ménage, il n'avait jamais cessé d'aimer celle qu'il appelait son "ange". Pour calmer sa culpabilité et ses angoisses, elle favorisa donc cette relation, mais certes pas par indifférence ou par manque d'amour pour son époux comme beaucoup le pensèrent. Elle écrivait : "Il (l'empereur) est heureux, mais avouons-le, Titania n'en est pas si réjouie." 

    

  

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