C'est un véritable cadeau de Noël en cette veillée chrétienne de 1837 dans la demeure du Duc et de la Duchesse en Bavière.
On la baptise Elisabeth en l'honneur de sa marraine, la Reine de Prusse, mais dans l'intimité et toute sa vie, on la nommera tout simplement Sissi. Jeune fille vive, athlétique, à l'âme poétique, elle n'a pas 16 ans lorsque son destin balance sous le regard amoureux de François-Joseph I, Empereur d'Autriche. C'est pourtant une autre qu'il aurait dû épouser, Néné, Hélène, la soeur aînée de Sissi. En moins de quelques minutes, l'Empereur tombe sous le charme de Sissi et oublie tous les plans établis par sa mère et lui tient tête. Ce sera Sissi ou personne ! L'Archiduchesse Sophie se trouve dans l'obligation d'accepter la volonté de son fils et accepte à contre coeur. Elle reste persuadée qu'elle manipulera à sa guise cette gamine ! Ne la nomme-t-on pas la Unsere Kaiserin, "notre impératrice" ?
Le 24 avril 1854, toutes les cloches de Vienne fêtent l'avènement d'une nouvelle impératrice. En l'Eglise des Augustins, François-Joseph, Empereur d'Autriche, Roi de Bohème et de Hongrie, épouse Amélie, Eugènie, Elisabeth, Duchesse en Bavière. Malgré les reproches aigres de l'Archiduchesse, le temps est à la fête. On loue le charme et la beauté de cette impératrice-enfant dont l'Empereur est si amoureux.
Sissi ne se conduit pas comme une impératrice. Sissi multiplie excentricités sur excentricités, erreurs protocolaires et entorses à l'étiquette. Elle fait installer une baignoire dans ses appartements, chose impudique et barbare pour l'époque ! Elle retire ses gants pour manger dans les plus grands galas et boit de la bière ! Elle ne se sépare pas de ses souliers après les avoir utilisés une fois. Elle ignore tout du cérémonial de Charles Quint et chevauche toute la journée en seule compagnie de son écuyer. Les médisances sont nombreuses, les langues futées et jalouses et l'Archiduchesse Sophie font le reste. Elle envahit ses appartements de chiens, d'oiseaux, de perroquets... Elle fait de la gymnastique, tout ce qui est inconcevable pour une impératrice et une femme de cette époque.
A la Hofburg, on la traite comme une enfant, une ravissante idiote. Elle n'est bonne qu'à paraître. Elle ignore tout de la situation du royaume. Si elle avait son mot à dire, ce serait pour encourager la tolérance, réduire l'influence de l'Eglise, proclamer des amnisties aux rebelles. Révoltée elle-même, elle ne suivrait en rien les idéaux de la monarchie très chrétienne des Habsbourg.
L'Archiduchesse Sophie connaît les idées libérales de sa
belle-fille et François-Joseph n'a pas besoin de son influence. Elle est donc
confinée à des tâches de représentation et encore c'est à Sophie que revient le
titre de "vraie impératrice".
Elisabeth hait la cour de Vienne. Son aversion en devient physique. Elle tombe malade et est prises de quintes de toux incessantes, de crises de larmes quotidiennes, manque d'appétit et a souvent la fièvre. L'agonie d'Elisabeth se manifeste ainsi. On diagnostique une phtisie galopante' : une tuberculose mortelle. Elle n'a qu'une seule obsession, fuir le "Kerkerburg", le palais-cachot. La fragile Elisabeth n'a pas oublié l'accueil moqueur des courtisanes, leur rire entendu devant cette petite Duchesse en Bavière de 16 ans. Elle est aussi aimée dans l'aristocratie autrichienne que peut l'être un ennemi prusse. A cela s'ajoute des rumeurs qui la poignarde. Franz aurait eu des liaisons adultères. Cette dernière offense qu'on n'est que trop fier de rapporter à cette impératrice si sensible, sera la goutte qui fera déborder le vase. A l'hiver 1860, Sissi part vers une île inaccessible, Madère, loin de l'Empire de François-Joseph et de l'Archiduchesse Sophie.
Pendant 6 mois, Elisabeth profite de la félicité de pleurer à sa guise, de refuser de nourrir un corps affamé et insatisfait. Le doux climat de Madère offre des résultats très lents. François-Joseph, repentant, s'inquiète. Sissi se rétablit et songe à rentrer à Vienne. Elle s'ennuit de ses enfants.
De retour à Vienne, en moins de 4 semaines, les murs sombres se referment sur la colombe prisonnière. On parle de mort certaine. Il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre. En désespoir de cause, Elisabeth met le cap sur l'Ile de Corfou. A la demande de François-Joseph, la soeur préférée de Sissi, Hélène, Princesse Von Thurn und Taxis, se rend au chevet de l'impératrice mourante âgée de 23 ans. Elisabeth reprend des forces, retrouve goût à la vie. Elle poursuit sa convalescence à Venise et à Bad Kissengen. Fin aôut 1862, après un bref séjour à Possenhofen, la voici de retour à Vienne.
C'est
dans les années 1860 qu'Elisabeth est à l'apogée de sa gloire et de sa beauté.
L'impératrice-enfant n'est plus. Les crises de larmes sont finies, les poèmes
mélancoliques de sa Bavière natale ne sont plus. Elisabeth prend conscience de
son charme et de sa beauté qui grandit chaque jour. Elle se découvre des
pouvoirs de séduction qu'elle ne soupçonnait pas. François-Joseph, depuis
longtemps, a succombé et signe ses lettres "ton petit", "ton petit mari qui
t'adore" !Elle est prête à défendre sa liberté, à tenir tête
à sa belle-mère. Elisabeth n'a que peu d'égards pour la monarchie affaiblie par
les guerres. C'est au sujet de l'éducation de ses enfants (impériaux) que
s'engagera cette guerre qui dure depuis près de 10 ans. Le petit Rodolphe subit
depuis de longs mois un enseignement militaire des plus terribles. A l'âge de 6
ans, on lui inflige des traitements violents et nocifs pour lui, si sensible,
tout comme sa mère. Son précepteur, le Comte Léopold Gondrecourt l'enferme dans
une pièce du jardin zoologique de Lainz et lui crie : "Un sanglier à vos
trousses !". Il ne juge nécessaire de calmer l'enfant qu'une fois qu'il se soit
épuisé à pleurer sa détresse. Rodolphe est un enfant très nerveux.
L'archiduchesse Sophie qui adore pourtant Rodolphe et dont elle est très fière,
ne remarque même pas ses angoisses, les malaises et les cauchemars. L'ancienne
gouvernante de Rodolphe et de Gisèle a pourtant supplier François-Joseph de
ménager l'enfant qu'elle aime comme son fils. Mais rien n'y fait. Sa mère a
elevé 4 enfants et est donc à même de savoir ce qui est bon pour son fils,
l'héritier du trône. Sa femme non mais sa mère oui.
Gisèle Rodolphe Marie-Valérie
Ces plaintes viennent aux oreilles d'Elisabeth, qu'on est bien sûr, est incapable d'élever ses propres enfants. Furieuse devant ce manque h'umanité envers son fils, âgé de 6 ans, elle en fait part à son auguste époux. L'empereur se refuse à disputer à se mère des droits souverains sur ses enfants. Elisabeth se rend dans ses appartements et met par écrit sa déclaration d'indépendance :
"Je souhaite que me sois réservés tous les pouvoirs en ce qui concerne les enfants, le choix de leur entourage, le lieu de leur séjour, l'entière direction de leur éducation ; en un mot, c'est à moi de décider de tout jusqu'à leur majorité. Par ailleurs, je souhaite que tout ce qui concerne mes affaires strictement personnelles ainsi le choix de mon entourage, le lieu de mon séjour, toutes les dispositions d'ordre ménager, etc... relève également de ma propre décision et d'elle seule".
L'Archiduchesse se voit désormais exclue de ses domaines de prédilection car François-Joseph ne refusera pas les demandes de sa femme, sous peine de la voir repartir vers ses îles lointaines. Il accepte sans se douter qu'il a, par ce geste, indiqué à son épouse, la voie de la liberté qu'elle utilisera dans la politique de l'Empire.
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